Entretien avec Etienne Maffre, Président Directeur Général de la Maison Gabriel Meffre

Entretien avec Etienne Maffre pour un tour d'horizon sur la Maison Gabriel Meffre au printemps 2021

Comment se porte la Maison dans la conjoncture actuelle ?


La Maison Gabriel Meffre, comme le monde entier, a été impactée par la crise sanitaire. D’une certaine manière, cette crise a eu la vertu de mettre en avant la capacité de résilience de l’organisation mise en place au fil des années.

L’année 2020 a été plutôt satisfaisante compte tenu de la conjoncture dégradée ; notre présence sur de nombreux marchés, avec un portefeuille de clients équilibré réparti sur différents circuits de commercialisation, nous a permis de traverser la crise.

En interne, nous avons fait preuve d’agilité dans la mise en place du télétravail pour continuer à travailler dans de bonnes conditions malgré les contraintes sanitaires.  

Avec nos clients, ce que je remarque, c’est que nous avons mis en place des pratiques qualitatives et efficaces de communication à distance que nous n’aurions pas osé déployer un an plus tôt ! Nous avons fait du commerce sans pouvoir rencontrer nos clients, ce qui est assez anormal ! Je ne pense pas que cela durera une éternité, mais il reste beaucoup d’incertitudes.  Cela nous fait aussi réfléchir sur la pertinence des déplacements lointains que nous avons l’habitude de faire. Ils seront peut-être moins nécessaires. Nous avons des enseignements à tirer de cette expérience, en cohérence avec notre politique RSE.

 


Quels échanges avez-vous eu avec vos clients ?

Notre activité se situe principalement à l’export et elle a globalement bien résisté. En France, cela a été plus difficile notamment en CHR mais nous avons réussi à maintenir un lien privilégié avec nos clients.

Sur le CHR français, les agents avec qui nous travaillons sont en contact direct avec les hôtels et restaurants qui souffrent beaucoup. Nous avons essayé le plus possible de proposer des conditions facilitantes. Nous avons été plus patients et compréhensifs sur les délais de paiement.

En Angleterre ou aux Etats-Unis, les statistiques nous montrent un report de la consommation sur place à une consommation à domicile. La consommation s’est maintenue en volume mais pas en valeur. En France ce n’est pas ce qui s’est produit, avec une baisse de la consommation notamment pendant les 2 confinements. Par ailleurs le mix des ventes a évolué, avec un transfert des achats consommateurs des bouteilles vers les bag in box, des vins d’AOC vers les vins de pays et avec une progression importante des marques de distributeurs. Dans une période d’incertitude ce n’est pas surprenant. 

Si nous avons hâte de retrouver l’intégralité de nos clients historiques, notamment nos clients CHR, nous sommes fiers d’avoir pu continuer de proposer nos vins à une large cible de consommateurs, notamment en développant nos ventes aux particuliers (avec une belle progression des ventes digitales).

 


Du nouveau sur les nouvelles parcelles de la Maison ?

Nous replantons ! Nous avons acheté il y a 3 ans 4 hectares de vigne au cœur des Dentelles de Montmirail, en AOP Gigondas. C’est un vignoble en terrasse à flanc de coteaux à 400 m d’altitude. Début mars, nous y avons planté du grenache en sélection massale pour favoriser et entretenir la biodiversité de notre vignoble. A cette altitude, nous serons capables, j’en suis persuadé, de faire dans quelques années l’un des plus grands vins de Gigondas, que nous isolerons très certainement dans une cuvée en sélection parcellaire.

Nous continuons d’affiner notre lecture des terroirs de nos propriétés.

Pour le millésime 2020 , nous avons produit une nouvelle cuvée en sélection parcellaire de Vacqueyras particulièrement qualitative, sur sol de safres du Miocène. La parcelle s’appelle « Les Ramières » ; entre Vacqueyras et Beaumes-de-Venise. Cela représente 15 ans de travail de replantation, de sélection du terroir, de vinification séparée pour produire des cuvées précises et superbes à la dégustation. 
 


Comment faites-vous ces choix de plantation sur les parcelles ?

C’est un échange permanent avec les équipes. Je pense notamment à Véronique Torcolacci, notre œnologue et à Nicolas Spéranza, notre Responsable des vignobles. Nous menons des expérimentations à Gigondas, c’est notre « terrain de jeu » et d’innovation, pour trouver une expression particulière d’un terroir : un sol, une exposition, une altitude, un cépage … 

À Gigondas, après plus de 20 ans de travail sur notre domaine de Longue Toque, nous constatons le résultat, un grand équilibre et une belle élégance dans les cuvées, reconnues par la presse internationale.

A Vacqueyras, nous avons acquis des parcelles aux débuts des années 2000. Nous avons progressivement renouvelé le vignoble avec un matériel végétal adapté. L’âge actuel du vignoble permet de produire aujourd’hui des cuvées soyeuses et équilibrées, cohérentes avec nos fortes ambitions qualitatives. Nous initions depuis l’an dernier la même démarche sur nos vignobles de Cairanne et de Rasteau acquis en 2019. Un travail “à la bourguignonne” en la Vallée du Rhône méridionale.

 

Quel regard portez vous sur les enjeux environnementaux et climatiques ?

Nos vignobles sont cultivés en agriculture raisonnée depuis plus de 20 ans. Notre méthode c’est de prendre du temps pour bien faire les choses. Nous portons de l’attention aux engrais apportés, à la maîtrise des intrants et à la gestion de l’eau. Aujourd’hui, nous sommes en Agriculture Biologique sur le Domaine de Longue Toque, demain ce sera le Château de Grand Escalion (aujourd’hui certifié HVE3), notre vignoble en Costières de Nîmes. Et un jour, c’est la Biodynamie qui sera pratiquée sur Longue Toque.

Nous progressons petit à petit dans nos pratiques. Et vis à vis des partenaires vignerons nous affichons ces objectifs : à un horizon de 3 ans, plus de 50 % de nos partenaires devront être au minimum certifiés HVE3.

D’autres parts, l’adaptation au changement climatique est anticipée notamment par l’acquisition de vignobles en altitude. L’altitude compense la latitude.

À 400 m d’altitude nous observons une réponse de la vigne qui est comparable à ce qui se passe 200 km plus au nord. Au-delà de l’altitude, il s’agit d’équilibres à trouver entre développer la vigne et conserver les milieux forestiers en place. C’est aussi choisir des cépages non clonés pour participer à la biodiversité et capables de s’adapter aux changements climatiques. Il y a d’ailleurs des travaux en cours sur de nouveaux cépages, des sélections de cépages croisés, adaptés pour produire un vin de qualité dans un environnement plus chaud. Nous en avons planté au Château Grand Escalion.
 

Concernant les apports en eau, nous avons mis en place une irrigation optimisée sur le Château Grand Escalion. Nous apportons de l’eau uniquement quand elle est nécessaire, pour permettre à la plante de résister notamment en période de forte sécheresse.

Certains acteurs veulent mettre en place des infrastructures régionales pour stocker l’eau. Il s’agit de discussions que nous avons au niveau de l'interprofession, Inter Rhône, et aussi au niveau de l’INAO. A notre échelle d’entreprise nous ne pouvons pas être le seul moteur mais nous participons à des projets. Je crois au collectif, il fait avancer les choses. Ce fut le moteur de mon mandat de Président du syndicat des négociants en Vins de la Vallée du Rhône (UMVR). Grâce à ces démarches collectives, nous sommes plus forts ; notre expérience des marchés, nos ambitions qualitatives et nos préoccupations environnementales enrichissent le débat et la vision collective. Cela s’inscrit aussi dans notre démarche RSE. Nous pouvons éclairer nos parties prenantes dans des démarches engagées. Au sein d’Inter Rhône, nous allons initier une démarche RSE collective. Nous serons les premiers en France à le faire.

La RSE c’est une initiative, une conviction individuelle au départ mais qui prend son sens aussi dans un collectif. Je suis pour les démarches RSE pro-actives, en faveur de l’environnement avec des pratiques raisonnées.

 

Y’a-t-il un effet d’entraînement auprès des vignerons partenaires ?

Oui, car nous leur indiquons le type de produit dont nous avons besoin sur les marchés et nous les accompagnons dans cette démarche. Quand nous achetons des raisins / vins HVE3 ou Bio, nous les achetons plus cher que des raisins / vins conventionnels.

Nos vignobles sont des laboratoires d’expérience.

Nos vignobles sont des laboratoires d’expérience. Ils montrent à nos partenaires que c’est possible de convertir des vignobles en bio sans perdre de rendement.  Nous organisons des rencontres sur les démarches RSE et l’intérêt des pratiques respectueuses de l’environnement. Ils sont friands de ces échanges ! Nous témoignons de notre expérience, partageons les besoins du marché et notre vision. C’est un échange permanent.

 

Pour terminer cet entretien, pouvez-vous nous partager les actualités et projets en cours pour la Maison ?

Bien sûr, voici les grandes thématiques de travail pour la période à venir :

Développement commercial boosté

Un projet de développement sur le plan commercial, nous nous rapprochons de notre actionnaire principal, le groupe Boisset. Depuis de nombreux mois, le rapprochement s'intensifie. Cela nous permet de regrouper nos forces vives pour prospecter plus largement et plus précisément.  Notamment au Grand Export et en France où nous avons rassemblé nos équipes commerciales. Il faut être présent partout !

 

La digitalisation

Notre ancienne responsable marketing et communication Valérie Vincent en parlait dans un précédent article, nous poursuivons la digitalisation de notre stratégie de communication. Nous souhaitons nous professionnaliser encore davantage sur la vente en ligne et repenser nos ambitions par ce biais. Nous travaillons toujours au développement de l’image et de la notoriété de la Maison Gabriel Meffre.


Les prochains investissements

Nous avons toujours en vue les acquisitions de vignoble régionaux, en Vallée du Rhône méridionale, des Crus tels que les Cairannes et Gigondas. Notre regard se porte aussi sur le nord de la Vallée du Rhône.

 

Innovations produits ou marketing

Nous sommes toujours en veille sur les packagings innovants, comme par exemple la canette de 25cl à l’export pour une cible plutôt jeune. Concernant les produits, nous sommes conscients de l’enjeu de maîtriser le degré d'alcool des cuvées. C’est complexe mais pas infaisable dans notre région.

 

Merci à Etienne Maffre pour ce tour d’horizon. Même dans ce contexte d’incertitude nous continuons d’avancer et de mener des projets pour aller à la rencontre de nos clients avec un vrai savoir-faire et des vins de qualité ! Pour continuer de suivre les actualités de la Maison Gabriel Meffre, rendez-vous sur l’onglet “Nos actualités” du webmagazine.